Acte anormal de gestion et rémunération indirecte : nouvelles jurisprudences !

La question de la rémunération indirecte des dirigeants par une société, au travers de conventions de prestations de services, fait l’objet d’un encadrement jurisprudentiel renforcé ces dernières années. Le Conseil d’État admet certes qu’une société puisse rémunérer indirectement un mandataire social en lui versant des sommes via une structure tierce — généralement l’employeur du dirigeant —, mais pose la nécessité d’apporter des éléments probants pour écarter la qualification d’acte anormal de gestion et l’application des pénalités correspondantes.

Le Conseil d’État précise les conditions de normalité des conventions

Selon la haute juridiction (CE 4 octobre 2023, n° 466887), la conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre, pour des missions relevant normalement du dirigeant de la première, ne relève pas nécessairement d’une gestion commerciale anormale. Encore faut-il établir que les organes sociaux entendaient bien rémunérer indirectement le dirigeant et que le versement n’est pas dépourvu de contrepartie réelle. Ce mode de rémunération ne constitue donc pas systématiquement un appauvrissement étranger à l’intérêt de la société. Le Conseil d’État propose ainsi une grille d’analyse posant la gestion normale de telles conventions sous réserve d’apporter les justifications adéquates.

Application de ces principes par les juges d’appel

Les juges d’appel, chargés d’appliquer ces principes, se montrent particulièrement rigoureux. Dans l’affaire examinée par la cour administrative d’appel de Lyon en juin 2025 (CAA Lyon 26 juin 2025, n° 23LY03696), une société mère et sa filiale avaient conclu un contrat d’animation et de prestations de services pour l’assistance et le conseil de la filiale.

Les juges ont estimé que la société mère ne pouvait justifier ni de la réalité ni de l’effectivité des prestations, ni de la volonté des organes sociaux de procéder à une rémunération indirecte. Les éléments produits s’avéraient imprécis, portant principalement sur des années postérieures à l’exercice contrôlé, tandis qu’un déséquilibre notable entre les moyens humains des sociétés soulevait un doute sur la capacité réelle à fournir les services facturés. La comptabilisation de ces charges a permis à la filiale de minorer de façon importante son impôt sur les sociétés, dans des proportions jugées injustifiables.

Conséquence : le maintien de la majoration de 40 % prévue à l’article 1729 du CGI.

Absence de justification et imprécision dans la facturation : la sanction fiscale confirmée

Dans une autre affaire jugée par la cour administrative d’appel de Nancy en avril 2025 (CAA Nancy 24 avril 2025, n° 22NC02867), l’imprécision du libellé des factures (“forfait diverses prestations”) et l’absence de justification dans le principe ou le montant des charges déduites ont conduit à la réintégration dans le bénéfice imposable des sommes facturées.

La société n’a pas établi de délibération de ses organes sociaux justifiant une rémunération indirecte du dirigeant. La communauté d’intérêts entre les deux sociétés dirigées par la même personne et le montant significatif des prestations facturées chaque mois ont achevé de convaincre l’administration fiscale du caractère délibéré de la manœuvre d’élusion.

Synthèse des exigences jurisprudentielles

Il ressort de ces décisions récentes que pour échapper à la qualification d’acte anormal de gestion, il incombe aux sociétés de rapporter la preuve :

👉 De la réalité et de l’effectivité des prestations facturées ;

👉 De l’existence d’une contrepartie pour le versement opéré ;

👉 D’une volonté claire et documentée des organes sociaux de procéder à une rémunération indirecte du dirigeant.

À défaut, la jurisprudence confirme non seulement le rejet de la déduction des charges mais aussi le maintien des majorations fiscales pour manquement délibéré de 40%.

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